C'était notre semaine...

Je partage avec vous, un texte sensible, d’une  enseignante qui, à mon avis, fait état de sa lassitude d’une manière éloquente.

Dévalorisée, usée, écrasée...
Chers parents, je vous en conjure, aimez vos enfants, mais aimez-les bien, à dose égale d'amour et de discipline. Encouragez-les, complimentez-les, mais avec réalisme afin qu'ils aient une vision juste d'eux-mêmes, écrit l'enseignante Anne-Marie Quesnel.
Photo: Ivanoh Demers, La Presse




Ça y est, c'est arrivé. J'ai vieilli. De la pédagogue passionnée que j'étais, il en reste moins. C'est peut-être à cause de la tâche, qui a considérablement changé. Suis-je récalcitrante au changement? Cela ne m'a jamais définie, pourtant.
Septembre 2011 a marqué ma 20e rentrée scolaire au secondaire. Je réfléchis: ai-je donné ce que j'avais à donner en éducation? Les programmes, les contenus, les thèmes me semblent pourtant très intéressants et je suis toujours partante pour les nouveaux projets, les nouvelles activités. Pas de routine pour moi, je vous prie! Il faut que je sois passionnée pour que les élèves le sentent, le vivent et le deviennent un peu!

Mais voilà, c'est de plus en plus difficile de les impressionner. Il me semble que le gros de la tâche me retombe sur les épaules: je donne, ils reçoivent, ils s'emmerdent...

Ou alors, est-ce l'âge? Le leur ou le mien, ce petit 40 nouvellement amorcé? Déjà 19 ans d'expérience. Il en reste une mèche avant la retraite, je ne peux pas penser comme ça! Comment et quand suis-je devenue responsable de tout? La réussite absolue de tous mes élèves, leur bien-être émotif, psychologique, le fait qu'ils fassent (ou non) leurs devoirs... Ça semble toujours être de ma faute.

Je ne peux m'empêcher de compter les collègues qui sont tombés au combat depuis le début de l'année. De bons profs pourtant, des gens compétents. Sans connaître tout le personnel de mon école, j'arrive à près de 10% du personnel enseignant. C'est comme ça dans la plupart des écoles. Or, les semaines passent et je ne peux plus le cacher: je suis sur la même liste qu'eux. Le congé m'appelle de sa voix envoûtante, l'épuisement m'écrase chaque jour un peu plus, la dévalorisation m'use. J'ai mal au coeur, mal à la tête...
***
Tout le monde a des irritants. Ceux d'un prof?

Les élèves ne savent plus écouter. Les faire taire est maintenant un combat quotidien. On a beau essayer de combiner les stimuli en classe pour les aider à se concentrer (auditif, visuel, kinesthésique, les intelligences multiples, le travail d'équipe, la collaboration, la coopération et tutti quanti), ce n'est jamais assez. On a le tableau vert, le tableau interactif, le projecteur en classe, les haut-parleurs, on présente des extraits vidéo, des films, de la musique, on les emmène à l'audiovisuel pour faire un montage radio ou vidéo... Vous ne croiriez pas à quel point les profs se creusent la tête, habituellement avec plaisir, pour dénicher les activités les plus intéressantes et stimulantes qui soient! On s'essouffle quand même...

Nos jeunes sont convaincus que tout (je dis bien TOUT) ce qui leur passe par la tête est digne d'intérêt et doit être partagé illico. Ça presse! Vous connaissez Facebook? Twitter? Eh bien, c'est comme ça en classe - Je viens de me faire un sandwich! Je sors de la douche! Je viens de me gratter! J'ai un cheveu qui est tombé! -, sauf qu'ils disent chaque pensée, intéressante ou pas, sur-le-champ, à voix haute, que le prof soit au milieu d'une explication ou pas, qu'il y ait un examen ou pas. Bien loin de nous l'époque où on tournait la langue sept fois avant de prononcer un mot...
Nos ados croient que les profs sont des serviteurs (ou des nounous... ou des punching bags) à qui ils peuvent tout dire, n'importe comment. Ils peuvent nous insulter, nous injurier, nous intimider devant tout le monde. Vous savez pourquoi? Vous allez rire, je suis sûre. C'est parce qu'ils ont le droit de s'exprimer! C'est dans la constitution! La liberté d'expression, oui madame! La semaine dernière, une élève a réagi aux critères d'évaluation que j'annonçais en me criant en classe: «C'est chien, ça!» et d'en rajouter encore et encore, un autre d'ajouter «On veut un débat!», comme si c'était eux les spécialistes de l'éducation. Parfois, on reste bouche bée devant de telles interventions. C'est tellement malpoli, tellement inconcevable qu'on ne peut pas croire qu'on est en train de le vivre.

La déresponsabilisation. Toujours en 5e secondaire, reprise d'évaluation. Les élèves sont informés en classe: je leur donne la date. Peu le notent à l'agenda. Trois sur 13 se présentent. Politique de l'école: je dois informer les parents. Conséquence: appels de parents, courriels, négociations. C'est pas la faute de ti-pou, il a oublié. Oublié... Eh ben! L'autre m'accuse, dit que je ne l'ai pas informé. Des parents renchérissent, allez madame la prof, prouvez-nous que vous avez dit à Alex qu'il avait une reprise. Prouvez-le!

Les récriminations, commentaires, insultes des parents... Il y a quelques jours, un parent m'a écrit que ma gestion n'était «pas forte», «pas brillante», que je «pénalisais les parents». Il a remis en question mon jugement professionnel (l'a-t-il fait aussi devant son enfant?). Et il m'a indiqué comment les profs devraient faire leur travail, comment l'école devrait gérer ses élèves. En théorie, on dit que l'éducation est essentielle, que c'est une des valeurs les plus importantes de notre société. En pratique, on dénigre l'institution et les enseignants. Un exemple parmi tant d'autres: les animateurs radio qui offrent quasiment leurs condoléances à un auditeur étudiant qui appelle pour un concours et dit qu'il s'en va à l'école («C'est pas drôle... bonne chance... les vacances s'en viennent...»). Soyons honnêtes: n'est-il pas socialement acceptable de penser (et de dire, avec un gros rire bien gras) que les enseignants ne sont que des paresseux qui sont toujours en vacances et qui se plaignent constamment? J'exagère si peu...
***

On pourrait croire que je suis amère ou négative, mais ce n'est pas le cas, ou du moins, ce ne l'était pas. Par contre, je suis fatiguée du ressac constant. Je souffre d'un excès de zèle au travail et d'une pensée teintée de rose, je le reconnais maintenant, qui en a peut-être fait vomir plus d'un. J'ai défendu, aidé, protégé mes élèves en difficulté depuis le début de ma carrière pour les accompagner dans leur cheminement vers la réussite. Tout le monde est bon, ai-je longtemps cru. Or, voici que cela se retourne contre moi; je ne l'avais pas vu venir. À être trop humaine, trop sympathique, trop tolérante, trop aidante, je suis en train de m'épuiser. On a abusé. Il est temps de penser à moi.

Chers parents, je vous en conjure, aimez vos enfants, mais aimez-les bien, à dose égale d'amour et de discipline. Trop d'amour et ils deviennent égocentriques, trop de discipline et ils s'écrasent. Encouragez-les, complimentez-les, mais avec réalisme afin qu'ils aient une vision juste d'eux-mêmes. Vous êtes leur miroir, ils se voient à travers vos yeux. Soyez honnêtes, aimants, justes.
Et si notre enfant fait une erreur, un oubli, un échec, laissons-le donc assumer, pour une fois, et arrêtons de surprotéger en attaquant le prof. Ça nous ferait du bien de travailler du même côté, pour éduquer nos jeunes, nos leaders de demain.

Ce sont eux qui s'occuperont de nous au CHSLD... Voulez-vous vraiment l'excuser à 16 ans, en pleine possession de ses moyens, d'avoir oublié une reprise d'évaluation? Ce sera plus grave quand il oubliera d'administrer une dose d'insuline à son patient, de resserrer les boulons de vos pneus, de tenir compte de toutes les déductions sur votre rapport d'impôt...

Votre jeune deviendra le médecin, le mécanicien, le comptable de quelqu'un, un jour. Les détails sont importants, le respect, la reconnaissance de l'éducation et de la compétence de l'autre, l'autonomie et la responsabilité le sont aussi. Pensez-y...

Anne-Marie Quesnel
L'auteure est enseignante au privé depuis 19 ans.





Mais....
Sur une autre note, un peu plus réjouissante,
voici un texte qui m’a été soumis par une de mes étudiantes.  Une de ses très bonnes amies, Coralie Dufour, enseigne au primaire et elle Lui a envoyé ce texte :
Les enseignants sont payés trop cher ! Les salaires faramineux des enseignants font monter nos taxes alors qu'ils ne travaillent que 9 à 10 mois par année ! Il est maintenant temps de mettre les choses en perspective et de les payer pour ce qu'ils font réellement : garder des enfants !
Nous devrions être capables d'avoir leurs services pour beaucoup moins cher !
Donnons-leur 3$ de l'heure par enfant, le montant que nous donnons aux personnes qui viennent garder à la maison le soir. Payons-les seulement pour le temps qu'ils font, pas question de les payer pour des choses aussi ridicules que la planification ou le temps qu'ils passent à l'école avant et après les heures de classe ou des journées pédagogiques. Donnons-leur 45 minutes pour le dîner. En somme, payons-les pour 6,5 heures de travail par jour. Cela fait 19,5$ par jour par enfant. Maintenant, multiplions cela par le nombre d'enfants en classe. Disons une moyenne de 30 enfants (25 au primaire, jusqu'à 36 au secondaire). Cela fait donc 19,5$ X 30 enfants = 585 $ par jour. Cela paraît beaucoup, mais n'oublions pas qu'ils ne travaillent que 180 jours par année. Donc, par année, ils recevraient 585$ X 180 jours = 105 300$...
Ouf ! Ma calculatrice doit être en train de manquer de batteries.
Alors, qu'est-ce qu'on fait avec les enseignants spécialisés ou ceux qui ont une maîtrise. Bah... donnons-leur le salaire minimum aux États-Unis : 7,75$ de l'heure. Oui, au Québec c'est plus de 10$ de l'heure. Il y a quand même des limites à donner de tels salaires à des gardiens d'enfants ! Bon... arrondissons à 8$ de l'heure. Donc... 8$ de l'heure X 6,5 heures par jour X 30 élèves par jour X 180 jours par année = 280 800$ par an !
Wooooooooo minute ! Il doit y avoir quelque chose de tout croche là-dedans ! C'est certain qu'il y a quelque chose de tout croche ! Il doit y avoir une erreur !
Un enseignant gagne, au début de sa carrière, environ 35 000$ (après 4 ans d'université) et, à la fin de sa carrière, environ 65 000$ (montant atteint après 20 ans d'ancienneté et stable jusqu'au temps minimum requis pour prendre sa retraite, soit 35 ans d'ancienneté). Disons que cela fait une moyenne de 50 000$ de salaire annuel.
Faisons le calcul inverse, maintenant. Combien nos enseignants reçoivent-il de l'heure pour chaque enfant qu'il "garde" ?
50 000$ divisé par 180 jours = 277,78$ par jour, divisé par 6,5 heures par jour = 42,74$ de l'heure divisé par 30 élèves = 1,43 $.
DONC, nos enseignants gagnent 1,43$ de l'heure par enfant à qui il enseigne. Il faut souligner que non seulement les enseignants enseignent, mais ils éduquent aussi. Ils travaillent avec la famille pour que les jeunes apprennent les bons comportements sociaux, les bonnes habitudes, les bonnes manières. Ils servent aussi parfois (souvent) de psychologue, de conseiller, de guide.
En somme, le salaire des enseignants est une véritable AUBAINE ! Au lieu de chiâler et de casser du sucre sur leur dos, nous devrions les APPUYER pour qu'ils se sentent enfin VALORISÉS !
Je n’ai pas eu envie de tenter de trouver là, des manques ou tout autre argumentation pouvant détruire cet envolé.   Elle m’a fait du bien.   C’est tout.

S'cuzez, Je vous quitte.  Je m'en vais travailler sur autre chose.  J'ai discuter (!@!#?*@), hier soir, avec ungars de 37 ans qui a voté pour Harper et Charest, qui veut bien  disperser des cordes pour se pendre un peu partout et qui, malgré le fait que la mère de ses trois filles soit enseignante, oui, veut passer dans le tamis tous les enseignants.

Commentaires

  1. Lagacé en parle aussi sur son blogue. Beaucoup de commentaires intéressants (et d'autres rageants):

    http://blogues.cyberpresse.ca/lagace/2012/02/12/cri-du-coeur-dune-prof-%C2%AB-les-enfants-ne-savent-plus-ecouter-%C2%BB/

    Yves

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